J'ai couru un trail

J'ai couru un trail

Vous hésitez à vous lancer dans votre premier trail ? L'aventurier Luc Gesell nous raconte sa première fois semée de petits plaisirs et de grosses embûches. Lisez, piochez quelque conseils et lancez-vous !

Date de publication : Publié par Luc GesellTemps de lecture: environ 4 minutes
# Bobo # Météo # Topo

Besançon. Mai 2018

Mon premier trail. Je prends place timidement dans le sas de départ du 19km (700m D+) du Trail des Forts. Trail qui va chercher son nom là où les ouvreurs du parcours ont cherché les mètres de dénivelés : sur les collines des forts qui siègent aux sept coins de Besançon. C’est mon premier trail, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre. Ma préparation ? Interrompue par une blessure à l’épaule en mars. À défaut donc de vous dire comment bien se préparer pour un trail je vais vous raconter ici tout ce à quoi je n’étais pas préparé. 19km de bonnes et de mauvaises surprises.

Première chose, il va pleuvoir. Ça n’a pas aidé le débutant non préparé que j’étais. On y reviendra...

Pour l’instant je suis dans le sas de départ, le coup de pétard qui se fait attendre me laisse largement le temps de me comparer aux autres. Premier constat, les gens sont équipés comme jamais. Un petit complexe me traverse, je ne suis pourtant pas un adepte de la course aux équipements. Les autres coureurs me renvoient à mes choix. Je me secoue un peu les jambes, je fais le point sur mon matos... on verra bien. Qui courra, verra. Les kilomètres apporteront leurs réponses.

matériel trail des forts

Le départ

Un trail, ce n’est pas un 100 mètres, on ne risque pas de faire de faux-départ. En revanche, ne sous-estimez pas le risque de mauvais départ. C’est fou comme l’adrénaline peut vous faire faire n’importe quoi. On ne part pourtant pas à la guerre, on ne va pas se mettre en danger, on va se faire un peu mal, pas beaucoup plus. Pas beaucoup plus et pourtant j’ai bien raté mon départ. Il y a deux possibilités au départ d’une course, se placer rapidement dans les premiers pour éviter l’embouteillage et s’accrocher aux premiers groupes où laisser passer le gros du peloton et suivre son rythme, son plan de course. Ma stratégie : le néant. J’étais comme un poulet sans tête juste guidé par le stress. Un départ en totale arythmie. Accélération. Surrégime. Tentative de rattrapage de mon rythme. Par moments, je n’étais pas loin du sprint. Ce chaos dure moins longtemps qu’il n’y paraît mais il peut faire des dégâts. J’ai laissé pas mal de plumes dans ce premier kilomètre. D’autant plus que le parcours nous gratifiait d’un joli 300D+ dès le deuxième kil. J’ai attaqué cette première côte déjà asphyxié. J’ai ici appris que se positionner aux avant-postes sur la ligne de départ n’est pas un choix anodin. Des centaines de coureurs vont déferler sur vos talons. Mieux vaut pouvoir suivre. Dans le doute, mieux vaut partir en retrait et refaire son retard un peu plus loin, progressivement.

Kilomètre 2

Je suis au pied du plus gros morceau du parcours, la montée de Montfaucon par les bois. Vous vous rappelez quand je disais un peu plus haut qu’il valait mieux laisser partir le gros du peloton au départ. J’ajoute maintenant que cette décision est multifactorielle. Je suis donc au pied du plus gros morceau du parcours : 300D+ sur 3 km en sous-bois. Ça fait deux jours qu’il pleut à Besançon. La montée, après le passage de plusieurs centaines de coureurs avant moi est un champ de patates. Chaque pas est une épreuve, chaque appui tire sur le bas du mollet.

Kilomètre 5, au premier sommet

Je me sens comme la planète un 28 juillet – je dois déjà puiser dans mes ressources non renouvelables. Les mollets sont très durs et le souffle court. Heureusement le premier ravito arrive. Plutôt bien géré, je décide de ne pas m’arrêter et de prendre le minimum : un shot de sucre, de sels minéraux et d’encouragements. Bien sûr les carrés de chocolat noir et de Comté font du bien, mais les bénévoles qui sont là sous la pluie ne manquent pas d’encourager le moindre coureur, et ça, ça a un effet incroyable sur le corps et l’esprit. J’en profite pour relâcher un peu les bras dans un faux plat descendant et progressivement j’allonge la foulée pour rattraper une grappe de coureurs qui s’est formée devant moi grâce aux arrêts des uns et des autres. Pour ce ravito, j’attraperai simplement un pain de spiruline aux fruits secs dans ma poche, tout l’amour qu’il y a à prendre sur le bord de la route et c’est reparti. On attaque le second bois dans un bon rythme, requinqués, avec mes partenaires. Dans le dur, nous ne sommes plus concurrents, les mots sympas fusent pour t’inviter à t’accrocher au groupe et à ne pas te faire larguer. Ça prend. J’arrive à suivre.

La suite est relativement fluide jusqu’au kilomètre 15 environ. Le parcours est plus équilibré ce qui m’aide à reprendre du poil de la bête. Et même à récupérer quelques places. C’est anecdotique mais c’est bon pour le moral. J’en arrive même à oublier les jambes et le souffle pour me concentrer sur des détails de confort de course. Peut-être pas tant des détails que ça. Je me bats depuis un petit moment avec la sueur qui coule dans mes yeux et qui me pique au point que je ne peux m’empêcher de les frotter. C’est super déstabilisant. Je nous revois tous sur la ligne de départ. Les autres avec des casquettes ou des bandeaux et moi... il n’y a pas de soleil mais ils avaient raison. C’est le moment de la course où j’en profite pour regretter d’avoir choisi la gourde en ceinture. Mais quelle idée ! J’ai détesté. Que ce fut désagréable de sentir mon demi-litre me taper dans le fessier et de subir un déséquilibre au niveau des hanches. L’alternative gilet m’accompagnera sur les prochains trails. Sans hésiter.

La suite est une longue et lente descente aux enfers

La pluie, à peu près clémente jusque-là, va lâcher tout ce qui lui reste jusqu’à la ligne d’arrivée. Et alors que j’attendais la douleur quelque part dans les jambes, ce sont mes bras qui renoncent. Des crampes s’installent des deltoïdes jusqu’aux grands supinateurs en passant par les triceps. Tout y passe, mes bras deviennent trop lourds pour moi, je n’arrive plus à faire 100 mètres sans les laisser tomber pour tenter d’atténuer la douleur et l’inconfort. Heureusement, trop concentré sur mes bras, je ne fais plus attention à mes jambes. Elles passent en mode pilote automatique et me conduisent jusqu’à la ligne d’arrivée. Ce sera finalement un honorable 2h05 minutes et une envie insatiable de remettre ça. Mieux préparé. Mieux équipé. En fait je devrais dire préparé et équipé. À l’année prochaine le Trail des Forts. Et merci encore à tous les bénévoles, ils seront assurément une de vos plus belles surprises lors de votre premier trail.

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